Abstract / Résumé
En 1994, feu le professeur I. Murariu a publié dans la revue „Arhiva Genealogică” (Archives Généalogiques) de Iaşi un petit commentaire sur un arbre généalogique de la famille Tăutu qu’il avait découvert aux Archives de l’État de Botoşani. Composé vers la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle, cet arbre présente sept générations de la descendance de Ion Tăutu, grand chancelier de Moldavie entre 1475 et 1511. Détail remarquable pour la Moldavie de l’époque, et contrairement aux autres „généalogistes” attachés à prouver les droits de propriété qui revenaient à certaines personnes (hommes et femmes) en vertu de leur descendance d’un ancêtre commun, l’auteur de cette généalogie s’est intéressé en première ligne aux porteurs mâles de ce patronyme, ainsi qu’aux descendants par les femmes, mais porteurs de patronymes illustres (tels que les Cantacuzène, Sturdza, Paladi etc.). Selon toutes les apparences, cet auteur serait un certain Constantin Tăutu, présenté (sans aucun titre) comme descendant direct, en ligne droite, du grand chancelier: le nom de celui-ci se trouve à un bout de l’arbre, tandis que le nom de son arrière-arrière-arrière-petit-fils est placé à l’autre bout (voir la photo). Mais la paternité de ce véritable monument généalogique pourrait être attribuée aussi à un cousin de Constantin, à savoir Grigore Tăutu, qui possédait déjà un titre de petit boyard (postelnicel). Pour mieux comprendre l’importance de ce détail, il faut rappeler que les Tăutu possédaient des terres dans la partie septentrionale de la Moldavie, qui, connue surtout sous le nom de Bucovine, avait été incorporée en 1775 à l’empire des Habsbourg. Plusieurs membres de la famille ont choisi, alors, d’abandonner leurs propriétés ancestrales de Bucovine, pour s’établir dans la principauté de Moldavie. À l’aide des témoignages concernant leur descendance d’un personnage illustre, fondateur d’une nobilissima familia (selon Démètre Cantemir), ils pouvaient obtenir des ordres princiers qui, en reconnaissant leur origine noble, les exemptaient de certaines taxes, impôts ou obligations et leur accordaient d’autres menus privilèges; en même temps, ils pouvaient être acceptés dans les rangs des petits boyards moldaves.
Pour identifier d’une façon certaine et définitive l’auteur de cette généalogie, il faut la soumettre à une analyse pointue des détails. Il faut envisager, d’abord, le but de cette oeuvre: elle devait soutenir non pas des droits (ou des prétentions) à l’égard de certaines propriétés, mais l’origine noble de l’auteur, sa descendance d’un personnage ayant appartenu à la haute noblesse de l’époque d’Étienne le Grand; elle devait prouver aussi que cette personne était apparentée aux plus nobles familles de son temps.
Or, vers la fin du XVIIIe siècle, un Constantin Tăutu recueillait de vieux documents concernant divers membres de sa famille; en 1793, par ordre princier, il fut reconnu – après avoir exhibé sa généalogie – comme descendant du grand chancelier Tăutu, apparenté aux grands boyards et aux familles illustres du pays. Il semble que ces formules indiquent, sans aucun doute, justement le possesseur de l’arbre généalogique étudié ici et qui doit être considéré son auteur. On retrouve ce personnage à travers les documents entre 1792 et 1816, avec le titre de logothète (puis, logothète du Divan, une sort de secrétaire du Conseil princier) et on peut l’identifier comme propriétaire dans quelques villages du nord de la Moldavie. Il mourut en 1817 sans postérité. Son oeuvre reste un témoignage hautement intéressant non seulement pour l’histoire de sa famille, mais aussi pour l’évolution des préoccupations généalogiques roumaines. Le dilemme de la paternité de cet arbre généalogique fut ainsi tranché: Constantin Tăutu en est l’auteur et il l’a composé vers 1792-1793.